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A Val Maubrune


Nous avançons sous la pluie vers La Brionne, où nous arrivons bien trempés. Thérèse et Gérard Le meignan nous attendent. Un rapide repérage au jardin, où je suis venu ce dernier hiver, quand il était encore en sommeil. Val Maubrune, au nom de roman d'automne, est un vallon en dehors du monde, une sorte de toile de maître qu'on a, un temps, le privilège de traverser.

Le jeu des sources, le temps de l'eau et des arbres, l'exubérance des fougères, la plaisanterie des saules taillés, font de ce jardin un lieu d'exception. On ne visite pas Val Maubrune, on y entre en émotion, on y pénètre comme dans une histoire de vie, on observe, on s'inspire, on respire, on devient cette eau qui court vers la prairie des carex. Puis on avance en solitude jusqu'à un théâtre secret, au plus profond du parc, à l'endroit exact où les sources rejoignent la forêt redevenue presque sauvage.

C'est là que tout se passe : une sorte d'immense cratère de lune, une mer de Tranquilité d'où, au milieu d'un océan de sphaignes et de mousses, jaillissent quelques Sceaux de Salomon et de précieuses Digitales.

Je le sais. Ici, la nuit, les Oréades et le Petit Peuple tiennent colloque, assurément.

On reste là un moment, bouleversé par l'alchimie du lieu. On essaie encore de déchiffrer les runes dessinées par les racines moussues et les feuilles mortes, une sorte d'alphabet secret, un code d'écorce et de terre. Il faut installer un campement, une hutte, devenir paléographe en végétalie pour comprendre, veiller des nuits entières en silence, rester ici pendant plusieurs saisons, afin de déchiffrer cette extravagance.

Hélas, je ne suis que ce visiteur passager, ce coureur des talus qui raconte aux gens des histoires de plantes et colporte des ombres de feuillage.

Je reviendrai à Val Maubrune, c'est inévitable.

La pluie. Une longue bruine caressante, plutôt douce. J'ai quitté Guéret-la-triste et marche vers le nord. Peu à peu la montagne s'en va, ramollit, se dissout dans la brume humide du matin.

C'est maintenant presque la plaine. J'aspire à la Loire.

Yves YGER

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