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Les orties à pilules

Olonzac en Minervois, Olonzac en canicule, labyrinthe de petites rues où évidemment je me perds.

Pierre m’accueille dans sa grande maison vigneronne, dont il faut garder les volets clos pour conserver la fraîcheur. Je devrais le savoir.

Retrouver les règles de la ville, moi qui me suis à habitué au désordre et à l’anarchie de ma belle solitude.

A nouveau de belles rencontres.

Monsieur Costes, qui règne en prince-jardinier du Parc municipal, connait intimement chaque arbre, chaque fontaine, chaque secrète galerie, chaque allée de cet endroit préservé au milieu de la ville.

Il aime à les faire découvrir au cours de cette promenade vespérale organisée par l’association qui m’accueille, et que j’accompagne de quelques histoires.

A un moment, dans une allée tranquille et fraîche, une vieille dame jusque-là silencieuse s’avance :« Moi aussi je voulais vous dire un petit quelque chose à propos de cet arbre, c’est un vieux mûrier.

Oui, il est aujourd’hui bien abimé et tout le monde l’a oublié. Mais il est important, pour moi, cet arbre. Quand j’étais petite, -oh ! il était beaucoup plus vigoureux, alors ! - c’était le but de la promenade que je faisais avec mon grand-père. Et plus le papy il vieillissait, plus il nous fallait de temps pour marcher jusqu’à lui. Mais quand je lui disais : « tu viens, papy, on va voir ton arbre », alors son regard s’éclairait. Et je crois que c’est à cause de ces promenades, de ces rendez-vous avec le mûrier qu’il a vécu si vieux, mon papy. Voilà, c’est tout. ».

Toutes mes péroraisons botaniques sont bien dérisoires quand j’écoute les mots vrais de la vieille dame.

Le lendemain, sur la route de Minerve où nous avons rendez-vous pour une sortie botanique, la brume se lève sur les lointains et la chaîne des Pyrénées, encore assez largement enneigée, se déroule, du Canigou jusqu’à l’Ariège, Même si je sais que les planisphères ont le plus souvent raison, je suis touché de vérifier « de visu » leurs affirmations géographiques, comme s’il pouvait y avoir peut-être encore un doute.

Pyrénées ! Mes premières découvertes émues de la montagne, au- dessus de Cauterets, l’été, en promenade au lac d’Estom, avec mon père, lui, l’ancien tuberculeux, lui si vite essoufflé, lui si réservé, et qui semblait ébahi de tant de beautés et si fier de nous les offrir.

Et puis l’hiver, avec mon frère Alain, en ski de randonnée avec du matériel des années 30, autour du chalet du Marcadau, exactement comme l’écrit Colette « Alors, dépliant leurs longues ailes de bois… ». Sur la route Ferrat chantait Aragon.

Pyrénées entrevues de ma jeunesse, Pyrénées où a germé ma passion, Pyrénées inachevées, Pyrénées que je dois recoudre à ma vie.

Pour l’instant, j’accompagne Laurie Beaufils, botaniste et animatrice nature, dans une sortie de découverte de la flore méditerranéenne au-dessus des gorges de la Cesse. J’ai beaucoup à apprendre en la matière : à reconnaître les salades sauvages, à comprendre les mécanismes d’adaptation des végétaux à l’aridité, à m’imprégner surtout de toutes ces couleurs, ces épines, cette coriacité des structures végétales qui font la spécificité de la flore méditerranéenne. Moi qui prétends être si savant, j’ignorai les orties à pilules, les fleurs jaunes si discrètes lins miniatures et les critères de différenciation des lentisques.

J’ai envie de fuir. Ce mois des solitudes choisies m’aurait-il rendu misanthrope ?

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