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Rencontres en chemin


Patrick Siot est depuis longtemps apiculteur au village de Lescure. Encore un choix de liberté, après une autre vie dans la Ville. Une sérénité et un bon sourire.

Il me parle de sa connivence avec la société des ruches, de la manière de diriger une colonie, de la sélectionner, l’orienter, de la leurrer parfois, de malicieusement « l’orpheliner » pour lui faire accepter une nouvelle reine. Toute une expérience apprise dont il a plaisir à partager les miettes avec moi ce matin, sur ce banc du porche de l’église.

Il me parle aussi du grand désastre de la mort des abeilles, fragilisées non seulement par l’évolution climatique et les rayonnements, les migrations des insectes tueurs, mais surtout décimées indirectement par les produits de traitement phytosanitaires en particulier ceux utilisés contre la « fièvre catarrhale » des bovins, appelée aussi « maladie de la langue bleue ».

Dans ce pays d’élevage, quand une vache s’effondre, c’est un drame. Quand une ruche qui se tait, personne ne l’entend.

Il n’est pas révolté, Patrick. Il est comme un gardien de phare qui assisterait impuissant à la destruction de son île, et tenterait de reconstruire inlassablement les murailles qui s’effondrent sous les coups de butoir de la chimie. Le Maître des abeilles est vigie de la disparition du monde. Il est blessé mais il n’a pas de haine, plutôt une forme de silencieuse tristesse.

Qui dira aux enfants la couleur des papillons ? Qui osera leur dire que la musique des prairies s’éteint quand les grillons se taisent ? Qui leur expliquera qu’il y avait autrefois des oiseaux qu’on appelait les hirondelles, qu’elles savaient frôler le sol quand l’orage approchait, et s’évanouir aussitôt sous les toits ? Qui leur fera goûter la caresse du vrai miel ? Pas de nostalgie. Les paillettes de l’or du monde s’échappent des mailles trop larges du tamis de l’inconscience des hommes. Et moi, je voyage. Avec les armes de mes mots, je ne peux que raconter, crier, hurler qu’il faut préserver ce qui reste des trésors. Le miel de Patrick, non seulement est excellent, mais il est un symbole et un appel : il a le goût, certainement de celui qu’on produisait dans l’été grec. Se battre pour les abeilles, c’est se rapprocher de la sagesse antique, et c’est indispensable.

Yana Houlier est sylviculteur : il travaille dans l’exploitation de Michel Vuillier, important producteur de sapins de Noël selon les règles de l’agriculture biologique.

Je le rencontre cet après-midi non loin du hameau de Commanies, alors qu’il s’apprête à entrer dans un alignement de jeunes arbres. Nous nous saluons, engageons la conversation. Il m’explique son travail, et comment ce qui est me semblait une culture simple et facile – quel végétal en apparence plus élémentaire qu’un sapin de Noël, ? - est en fait le résultat de longues années d’opérations de sélection, de taille, et d’éclaircissement. Il m’indique des parcelles où les arbustes ont été étêtés, de manière à relancer leur pousse sommitale afin qu’ils répondent plus tard à un bon profil : ils sont en effet pour l’instant plutôt ventrus et un peu grotesques, et c’est la vitalité des nouveaux rameaux qui leur redonnera en quelques années l’élégance attendue pour répondre aux canons de la fête de l’hiver.

Yana sculpte les résineux avec de l’art et du temps, et il aime visiblement son métier, la nature et la beauté des choses. Yana est un artiste.

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