Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne...
J’ai bouclé mon sac, rempli d’indispensable.
Un bâton, un parapluie, des cartes géographiques découpées, un peu de pain, quelques fruits, un rien de viande séchée et de fromage pour l’aventure, des effets de rechange et un rasoir pour paraître propre et distingué, un carnet de notes et un stylo à plume, pour écouter gratter son bec sur le papier épais, un ordinateur pour jouer les Mercure-messagers, un téléphone pour entendre la voix de celle que j’aime, quelques accessoires pour les conférences, le minimum, et surtout, surtout, essentiel, une anthologie de poèmes de Paul Eluard, trouvée il y a quelque temps sur un vide grenier.
Je pars demain dans le printemps des pissenlits qui volent, et on annonce le mauvais temps pour dimanche. La neige, peut-être, sur le Grand Colombier ! Comme l’année dernière aux premiers jours de ma « Diagonale occitane », sur le plateau Matheysin, celle-ci m’avait obligé à louvoyer sous les remparts du Vercors. Il faut franchir un obligatoire rideau de tourmente avant d’être autorisé à pénétrer sur la voie Royale qui va vers le Nord.
Je pars demain, oubliant les scories des malveillances et les immondices du quotidien, vers des pays que je ne connais pas, rencontrer des lumières dans les sous-bois, humer des odeurs de cendre et de pluie, crier au vent qu’il m’insupporte, m’inventer finalement l’île nomade que fera ma route.
Je pars demain, et je collecterai des dilutions de brouillards, des arcs en ciels suspendus dans la cascade, des gouttes de rosée laissées par les Atalantes, un peu de terre noire qui roule du talus, et je les pétrirai ensemble, les travaillerai, les caresserai, et en ferai des mots pour aimer et s’élever, ensemble, plus haut.
J’ai mis mon tablier. J’entre demain dans mon Grand Atelier.