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Eaux, loup, et mortification

Ouvrir un parapluie est une leçon de vie.

On pressent l’averse, on hésite. Alors on met sa capuche, mais c’est un artifice : certes, la tignasse est au sec, un moment. Illusion! Le pourpoint est vite détrempé, et rapidement on ruisselle. Alors, on se décide, tant-pis, on sera décoiffé, on s’arrête, on dépose le sac, on décroche l’ustensile « en-cas », de son lien scratché, et puis on le déploie. Et l’on se réharnache, avec force soupirs de contraintes choisies, mais douloureuses, maudissant la maigre largeur des bretelles et la médiocre qualité de la mousse. Et puis l’on repart, guilleret, presque satisfait, brandissant le bienfaiteur objet, tel un héros valeureux sa flamme olympique, écoutant les étranges mélodies des cascatelles du ciel, qui jouent des percussions sur la peau du Nylon, et l’on rumine cependant, se disant malgré tout que le prétendu confort des bretelles doublées maille, classées 5 étoiles, et extra-respirantes, est une totale imposture, tant l’on souffre, même si on se plait désormais d’être au sec.

Damnation ! Au bout de cinq minutes, la pluie s’arrête, séquence ridicule, alors on replie l’objet de gloire, qu’on garde un moment à la main, au cas où, tel un bâton de tambour-major.

Finalement,après mure réflexion, on fait halte, on décroche le douloureux baluchon, et on fixe à nouveau l’inutile accessoire sur le râtelier latéral, qu’il n’aurait jamais du quitter, d’ailleurs ! Mais on serre les dents une nouvelle fois jusqu’au moment fatidique où il faudra à nouveau endosser l’infernale sacoche.

Bonheur ! On quitte la clairière et nous voici dans les bois. Las ! Les hauts fayards s’ébrouent déjà de la précédente ondée, et nous voilà à nouveau sous leurs fontaines aléatoires, regrettant déjà notre cher petit toit portatif. Fier, on tient bon un moment, mais c’est illusoire. Il faudra bientôt faire relâche contre un rocher, et recommencer le rituel diabolique.

Ainsi va la vie du chemineau dans les montagnes du Jura, les jours de pluie.

Brumes, averses qui redoublent, prairies de narcisses, tapis d'aspérules en beauté, épicéas royaux, lièvres qui s’enfuient, arrière-train d’un daguet disparu dans le fourré, et surtout, surtout, croyez-moi si vous le voulez, un louveteau gris-blanc qui se sauve au loin dans le hallier. Je l’ai vu, et bien vu, fugacement, oreilles dressées, queue presque absente. J’ai cru rêver, mais c’était bien un petit loup, et la meute ne devait pas être bien loin. Evidemment, pas le temps de sortir l’appareil photo.

Je suis ce soir à Hauteville-Lompnes (prononcez « Lonnes », sinon vous serez Parisien , ou Lyonnais, bref, béotien, c’est selon), et demain je repars sur la route avec ma chère chariotte, tel un amoureux penaud qui aurait fauté, et qui demande pardon à sa belle.

Rincé.

J’espère dormir demain soir en bordure de plaine.

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