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Toucher la rive

Atteindre enfin Montceau-les-Mines ! Quel objectif ! Toujours pas de sentier marchant Nord-Ouest : il me faut emprunter donc les plus petites routes possibles pour rejoindre l’ancienne cité minière, qui sera la clef obligatoire pour entrer dans le Morvan. Hier, j’ai dormi dans une ancienne maison de famille transformée en gite, réceptionné ( ?) par un jeune homme visiblement perdu dans des nimbes, et qui, apparemment, doit être inscrit en liste d’attente pour le stage de Tourisme vert, option : « Qualité d’accueil : les 10 points essentiels ». S’enfuir à la fraîche dans le tout petit matin, comme une liberté retrouvée…

Une halte dans un village de M…, boulangerie à l’étage, où l’on vous sert ace gentillesse des croissants secs comme amadou, café Française des Jeux, avec machine rutilante à Grat-Grat, patron d’un autre temps, qui disparait dans la cuisine par manque de percolateur, quelques habitués qui m’ignorent, ni bonjour, ni au-revoir, drôle de pays…En sortant, sur l’affiche du journal annonçant les titres du jour : « Le Café de M… est à vendre ».

Fin des temps, comme on lit sur les annonces des agences : « Gros potentiel ».

Ici c’est agriculture, gros tracteurs, petites fermes, vaches charolaises certifiées promesses de pavés bien saignants, paysage mité de maisonnettes bâties sur des taupinières pour retraités en impasse. J’en arrive à avoir des envies de ville.

D’autant que marcher sur le bord des routes départementales n’est pas l’idéal pour le voyageur habitué aux ornières, même si on salue le bleuet, le muguet et le coquelicot, de l’autre côté du fossé.

Quelques tentatives de passage par les bois se soldent par des échecs, avec franchissement acrobatiques de fondrières, et retour au bitume implacable. Hélas je n’ai pas le choix ! Ma cheville gauche accuse depuis hier la violente fermeté inexorable du revêtement routier : en vue de Saint Vallier, je dois ralentir ma charriotée fantastique si je veux éviter la tendinite qui pointe sa brûlure. Ce soir, j’appliquerai les grands principes de la thérapie naturelle : eau glacée, douche écossaise, baume à la consoude de mes amis Jacques et Isabelle. Mais le vrai traitement sera de retrouver demain la gymnastique élémentaire de la semelle sur les chemins de terre.

Saint Vallier, Montceau-Les-Mines, enfin : trottoirs, cités, kebabs. Tout un univers ouvrier et minier éteint, dont les scories sont encore chaudes : Rue Jean Jaurès, Salle Louis Aragon, Centre Ambroise Croizat, et un peu partout sur les boîtes aux lettres des noms polonais, témoins de l’immigration massive des temps, pas si anciens, où on venait de loin pour gagner sa vie en arrachant le charbon à la Terre. J’ai l’air d’un pignouf, moi dont les voyageries naturalistes peuvent sembler bien égoïstes.

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