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CHEMIN DE GUIGNOL

S’extraire de la plaine pour rejoindre la crête des Monts du Lyonnais. Cinq cents mètres de dénivelée sous le cagnard, d’abord entre les lotissements monotones, où l’artificialisation des sols est élevée à la hauteur d’une « doxa » définitive, bitume léché, rigoureuses bordures de ciment, partout chantiers de piscines. C’est la petite heure du marcheur solitaire : l’aurore aux doigts de rose naît sur les Alpes, les volets roulants ronronnent,- nouvelle prière du matin-, puis les enfants, l’air un peu tristes, partent à l’école. Un peu plus tard, quelques vététistes muets comme des guidons ignorent mon bonjour. Je connais peu ce pays mais je m’interroge. Heureusement, les senteurs des lilas et des glycines rappellent que la nature est avant tout gaîté. Dans les bois de rencontre, sur le bord des ruisseaux, partout c’est la fête : géraniums aux parfums de femmes rousses, alliaires à ceux des cuisines anciennes, hautaines alliaires aux épis de gloire, muscaris comme des pagodes de carême, flocons fleurés des houx ! Il n’y a pas de hasard : je découvre, sur un panneau de bois, cette citation de Montaigne : « La Nature n’a pas besoin d’un grand Destin pour se montrer et déployer sa force ». Moi, la contempler, tenter de la comprendre me suffit. Et je n’ai pas besoin de Grand Organisateur. D’ailleurs s’il existait, en ce moment, il aiderait le botaniste admirateur ! "Chemin de Guignl", dit un panneau, narquois ! Voilà déjà vingt-cinq kilomètres de randonnée sur ces chemins de caillasse. Guignol ?

Ahaner sous le sac aussi lourd que le ciel, se cogner les orteils sur une pierre traîtresse, sentir sourdre la tendinite, avoir soif, très soif et finalement faire halte, épuisé. Mais rencontrer une automobiliste, Eléonore, qui me propose de me conduire à Saint Laurent de Chamousset. Merci Eléonore, pour cette lumière. Non ! Je ne marche pas pour faire pénitence, et vous étiez placée sur ma route, alors je me suis saisi de ce bel hasard. Du coup, le chemin de demain sera plus long encore, on verra bien : « Qui craint de souffrir, il souffre déjà ce qu'il craint. », disait le Messire. D'accord. Mais être un Guignol, non !








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