COMME UN ESCARGOT QUI DOUTE
« Je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche », ainsi parlait Montaigne. J’aurais dû y réfléchir.
Mais, il est encore temps, et la scansion de la marche porte à l’analyse !
Ce que je fuis : l’habitude, l’ennui, les craintes qui me rongent, mes faux-semblants, mon sac de misères, les masques dont je m’affuble, avec l’alcool qui rôde toujours en salopard. Ce que je cherche : l’émerveillement.
Celui de l’enfant, je crois. Pourquoi marcher ainsi, sur le bitume équivoque de ces petites routes (il y en a trop sur ce parcours), où le pied est stable mais brûle vite, et sur ces sentiers qui hésitent entre ornières et caillasse ? Pourquoi s’infliger le cilice ? Pour quelques moments de grâce, oui, comme ce lever de soleil sur les antiques collines (il paraît qu’une voie romaine passait ici) , ou plus tard cet instant suspendu en suivant le cours de la Doise, rivière aux eaux brunes qui font pourtant de la musique, ou bien simplement ces grenouilles qui râlent en cadence parmi les herbes qui tracent des runes indéchiffrables (Merci Mô!) à la surface de ce minuscule étang. Pour ces quelques pépites, cette miséricorde, ces sourires du monde, lui qui chaque jour souffre tant. Pour oublier la haine, la rancœur des gens et la suffisance des puissants, les mauvais dépits qui mènent à la basse invective, les mensonges partout, le besoin immédiat d’avoir et le fiel de l’envie. Une pulmonaire m’arrête : j’ai toujours eu un regard particulier sur cette herbe, cette plante étrange aux longues feuilles tamponnées d’ilots vert-amande et aux fleurs bleues, violettes et un peu les deux. Doucement, je m’agenouille , je contemple, je m’émerveille. J’ai huit ans. Evidemment, quand il faut se relever, le poids du sac ricane de celui des ans… C’est dur. Mais j’ai touché la parfaite rondeur de ce jour. En arrivant à Feurs, enfin les habitants retrouvent la parole. (Ceux des Monts du Lyonnais semblaient l’avoir perdu !) Je croise Gilles et Anne-Marie qui vont tranquillement nourrir leurs ânes, et puis Carole qui arrose ses pivoines et qui croit au ciel. Leurs mots, leurs généreux sourires me font tant de bien. Une belle journée. Merci pour la leçon, Monsieur Montaigne, vous qui aimiez plus les rencontres des gens que celles des herbes folles !
Comentarios