L'ENNUI C'EST L'UNIFORMITE
- « Je suis le populiculteur
Le producteur de peupliers.
Avec le bois, je fais mon beurre,
Avec les planches, je fais du blé.
Il y a vingt ans, Monsieur mon père
Dans la fange les repiqua ;
Un peu de boue, un rien de terre
Et le cordeau pour tirer droit.
Bien respecter les parallèles :
C’était sa règle et son modèle.
Rien n’est meilleur, pour la finance
Que d’élever des peupliers
Pour faire du contreplaqué.
Merci papa, reconnaissance !
Chers arbres, pompez le marécage,
Plutôt que bruisse votre feuillage
A chaque fois que vient la pluie.
Pour être riches, jamais de bruit !
Vous finirez à la scierie
En cagettes alimentaires
Et en boîte pour camemberts.
A moi bientôt tout le grisbi ! »
Ainsi parlait un affairiste,
L’air suffisant, et c’est bien triste.
Mais il s’en vint un ouragan
Nommé Rosa, ou bien Kévin.
Quel drôle de nom pour du grand vent :
Même le beau temps est anonyme !
Quand la tourmente s’en alla,
C’est sur le sol qu’on retrouva
Déchiquetés, les géants troncs :
Vous parlez d’une déception !
Plus de cageots, plus de caissettes
Juste de quoi faire des allumettes
Pour allumer les braseros,
Les barbecues et les fourneaux.
Du bois brisé, ça vaut trois sous
Et le fiston fut dans les choux !
De cette histoire, la leçon
C’est que dans les zones humides,
Qui veut se faire du liquide,
Du bénéfice et du pognon,
Risque d’apprendre à ses dépens
Que l’avenir n’est pas qu’argent.
Blaise Pascal l’avait écrit :
L’uniformité, c’est l’ennui !
Le long des rives, il faut planter
De tout un peu, en vérité :
Des frênes, des aulnes, des merisiers
Des chênes et puis des cornouillers,
Pour que s’y cachent les enfants
Qu’ils soient gendarmes, qu’ils soient voleurs
Et s’y embrassent les amants,
Qui se barbouillent de bonheur.
Le peuplier, Populus sp. au TOUVET (38), le 23 avril 2021
© Texte et photos, Yves YGER, avril 2021
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