L'ERABLE ET LES CANARDS
C’était un vieil érable, tout au bord de la rive
De la Sèvre nantaise, près du bourg de Clisson.
Des canards sans doute à l’âme contemplative,
Indolemment nageaient dessous sa frondaison.
En cet automne-là, l’air était calme et doux
Et les anatidés ne faisaient, je l’avoue,
A peine sur la rivière que tendres ondulations.
Douce harmonie du soir, Ô belle sérénité !
Mais soudain, un palmipède se mit à caqueter :
- « Eh, mes amis, voyez-vous sur quoi nous nageons ?
C’est de l’or, c’est certain, regardez cet éclat !
Depuis le temps que nous jouons à l’Euromillions
Il fallait bien sur nous qu’un jour le pactole tombât !
Ah quelle félicité, mon Dieu quelle émotion,
Je n’eus parié hier un pot sur la fortune
Et pourtant ce soir, nous nageons sur la thune !
C’est au pied des vieux arbres qu’on cache les magots :
Un pirate, autrefois, remontant le cours d’eau
Dissimula ici ses bijoux, ses trésors.
Profitons de l’aubaine, chers compagnons, dès lors :
A nous la belle vie, à nous prospérité !
Hier aux chasseurs, on criait : Cave canem !
Nous caquetterons désormais : Carpe diem !
Et pour tous ces louis d’or, rendons grâce à Tyché ! ».
Lors, on s’amuse, on nasillonne, on fait les beaux :
Des canards qui font la fête, ah oui, quel tableau !
Quand soudain un coup de vent, un grand tourbillon
Fit s’envoler les feuilles de l’arbre vénérable.
Que voulez-vous, c’était l’automne, rien d’incroyable :
On est bien trop naïf quand on est caneton.
Tout le feuillage disparut, et son reflet dans l’eau
N’était plus que souvenir pour nos chers oiseaux.
Adieu festins rêvés, caviars de chimère !
Quand le foie est trop gras, on risque braconnier !
En vérité, il vaut mieux sur l’onde picorer
Quelques moucherons ou quelques éphémères :
Quand on est un canard, se dorer du croupion
N’est pas très raisonnable, ce sera ma leçon !
L’Erable, Acer sp, à CLISSON (44), le 31 octobre 2021
© Yves YGER, novembre 2021, toute reproduction à but commercial interdite
Comentários