LA BAIGNOIRE SOUS LES COUDRIERS
Moi j’aurais tant aimé savoir
Le nom du sieur qui transporta,
Dans une vieille charrette à bras,
Sous les arbustes, cette baignoire
Se nommait-il Alphonse, Anthelme,
Léon, Albert, ou bien François,
Lui qui maudissait son charroi
Et le poussait avec grand peine !
Il arriva aux coudriers :
Sous leurs feuillages coulait la source
Dans un vieux billot creusé
Qui ne tenait que par la mousse.
Trois coups de pieds : tout fut par terre.
Il installa la vieille cuve,
La calant de quelques pierres
Puis il y dirigea la buse.
Moi j’imagine son histoire.
Qui répudia cette baignoire ?
Avait-elle donc cessé de plaire
Pour qu’il en fît un abreuvoir ?
J’ai écouté le chant de l’eau :
Il y avait des cris d’enfants,
Au temps jadis, s’éclaboussant
Dans la bassine. C’est rigolo !
Un bain par semaine, le dimanche :
C’est bien assez pour la famille !
Chacun son tour, quand l’eau est blanche,
On fait lessive : pas de gaspille !
Je sais qu’à son retour de guerre,
Adieu vermine, adieu misère !
Le fils qui était soldat,
Dans le baquet, se décrassa.
Le matin de son mariage,
La belle Louise s’y prélassa,
Avant coiffure et maquillage.
J’aurais bien aimé être là !
On croise parfois, sur les chemins,
La vie des gens de presque rien.
Une ferraille qui fait fontaine,
Une forêt en est gardienne.
Le coudrier, Corylus sp. Le Pommaret, Entremont-le-Vieux (73), le 4 octobre 2021
© Texte et photos, Yves YGER, octobre 2021
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