LE COCKER ET LA FRITILLAIRE
Un botaniste qui vivait en solitaire,
Décida, pour l’accompagner dans ses sorties,
De se procurer un chien, un petit cocker.
Mais l’acheteur fut extrêmement surpris
Que l’animal ne comprenne pas ses consignes :
« Assis, debout, couché ! », cela n'est pas malin,
Mais connaître le nom des plantes est discipline
Beaucoup plus aisée que l’enseignement canin !
C’était surtout pour se faire allonger la bête
Que malgré force cris et exaspérations,
Et des heures à voir les tutos sur Internet
Qu’il dut bien admettre l’échec de l’instruction.
En ronchonnant, il partit en promenade,
Accompagné de son indocile disciple.
Il rêvait que sa scientifique ballade
Fut nouvelle occasion d’émotions multiples
En matière de fleurs, de feuilles, de noms en latin,
Art plus captivant que de parler à un chien !
Alors que l’animal folâtrait sans s’en faire,
Ignorant des pétales le nombre et la couleur,
Il entendit son maître chanter de bonheur :
C’est qu’une nouvelle fleur il avait découvert !
Le bonhomme s’était allongé dans le pré :
Il essayait de réaliser un cliché
De l’herbe à la pintade, la douce fritillaire,
Dont toujours le calice regarde la terre.
Notre cocker resta de la scène pétrifié :
Qu’une fleur couleur mauve fasse se prosterner,
Puis se vautrer dans le gras de cette prairie,
Un si grand philosophe, sans doute un érudit,
C’est que ce professeur, malgré sa dictature,
Acceptait les lois du règne de la nature !
Si un humain se couche devant un végétal,
Alors lui obéir est une chose normale !
C’est depuis ce matin que le chien obéit,
Et qu’aussitôt devant son maître il s’accroupit
A sa prime douce parole prononcée.
Les fleurs ont parfois des pouvoirs insoupçonnés !
La Fritillaire pintade, Fritillaria meleagris L., à SAINTE LUCE SUR LOIRE, le 8 mars 2021
© Texte et Photos Yves YGER, mars 2021. Toute utilisation à but commercial interdite.
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