LE PIN ET LE GRAND VENT
Un pin avait grandi en haut d’une falaise :
C’est un curieux endroit pour se sentir à l’aise,
Quand on est conifère et qu’on veut pousser droit !
La lande était battue par le vent de Noroît,
Si férocement lors des grandes tourmentes
Que l’arbre, à chaque fois, redoutait la suivante.
- « Ah ! Pourquoi n’être pas né sur la Riviera,
Entre palmiers, eucalyptus et mimosas ? »,
Se lamentait souvent l’agacé résineux,
En maudissant un promontoire si venteux.
« J’aurais connu alors la torpeur occitane,
L’odeur des citronniers, le festival de Cannes,
Même ce vent réputé, que l’on nomme mistral,
Doit être plus câlin que mon bourreau brutal ».
Et les bourrasques riaient de le voir se courber
En lui mugissant de furieuses mélopées,
Venues de la Cornouailles, des côtes de l’Irlande,
Ou même des Hébrides, voire du Groenland.
Trempé par les embruns en accompagnement
Surtout lors des marées de fort coefficient,
Il estimait qu’il y avait quelque iniquité,
Par l’agressif aquilon, à se faire secouer,
Et qu’il irait bientôt faire signer la pétition
Pour que cessent les vilenies de ce Typhon !
- « J’avertirai les dieux, Eole, et toute sa troupe
Que je n’accepte plus d’avoir le vent en poupe,
Ferme ta boite, Pandore, dépose le bilan !
Je veux douceur et paix, ici et maintenant ! »
Mais un hiver, il y eut un fort tourbillon,
Et les pommes de pin de notre compagnon,
Sans doute mal accrochées aux branches du tronc,
Comme Jacques, se dispersèrent dans les ajoncs.
En répandant dans la nature tous leurs pignons,
Qui au printemps partirent en germination,
Alors de jeunes pins firent leur apparition.
Ne haïssons pas les excès de la Nature :
Tout est utilité, y compris les tempêtes.
Les catastrophes nous affligent, bien sûr,
Mais elles guident aussi la vie sur la planète !
Le Pin maritime, Pinus pinaster, à Beg Léguer, LANNION (22) le 12 mars 2021
© Texte et photos Yves YGER, mars 2021
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