PETIT LOUIS
Même si elle est étonnante,
Cette histoire est authentique !
Moi je la trouve très touchante.
C’était en mille neuf cent huit.
Le petit Louis avait douze ans.
Enrhumé régulièrement,
On l’amena faire une cure.
Son politicien de beau-père,
Qu’il ne pouvait voir en peinture,
Exigeait son succès scolaire.
Mais au lieu de prendre les eaux,
L’enfant se cachait pour écrire
Dans le grand parc du château.
Comme gros défaut il y a pire !
« La Sorcière du Vésuve » :
De son roman c’était le titre,
Mais il n’avait fait qu’un chapitre...
Il endurait d’être moqué
Par les jeunes gens du quartier.
Il cacha son cher manuscrit
Au fond du trou d’un marronnier.
On ne peut avoir que mépris
Pour ceux qui virent sa cachette,
Et lurent son œuvre secrète.
Le gamin fut comme blessé.
On souffre quand on a douze ans,
Et que son âme est divulguée.
Honte à ces fureteurs méchants !
Il déchira tous ces écrits,
Jura d’abandonner la prose
Que désormais la poésie,
Chantant le réséda, la rose,
Nourrirait seule sa passion.
Aimer à perdre la raison !
J’ai retrouvé dans le jardin
Le coffre-fort du romancier
Dans le tronc du vieux marronnier.
Je n’ai plus que lui de chemin.
Ah oui ! Il reste une question :
Je ne vous ai pas dit le nom
De ce très singulier garçon :
Il se nommait Louis Aragon.
Le Marronnier d’Inde Aesculus hippocastanum L., dans le parc du château des Comtes de Challes, à CHALLES LES EAUX (73), le 26 février 2021,
Merci à Florian Trèves, propriétaire.
NB : Cette histoire, peu connue, de l’enfance de Louis Aragon, est entièrement véridique. Le marronnier, bien que fatigué par les ans, pousse toujours dans le magnifique jardin du Château-Hôtel des Comtes de Challes, parmi d’autres essences remarquables. Quand on met la main dans la cavité du tronc, où le futur écrivain cacha sa première œuvre, on ressent un étrange courant d’air. Le souffle de la poésie ?
© Texte et photos : Yves YGER, février 2021
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