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TOUTES LES FERVEURS DU MONDE



Quitter une abbaye à l’heure fraîche est un moment d’une rare intensité. On regrette déjà la petite chambre monacale, humble lieu de méditation, d’inspiration et de création dans la nuit, pour retrouver, l’effort inutile. Il fait encore pénombre sur les chemins bourbeux autour du Mont Luisandre.

Et puis brutalement c’est le basculement du monde : le soleil, qui ne m'avait pas caressé depuis le départ, daigne apparaître sur l’autre versant, au-dessus des rochers de la Falconnière. Enfin ! Genèse intense, ferveur absolue, prologue de la Symphonie Pastorale, moment de grâce dont je me comble. Je trace une longue boucle dans la Montagne, harmonieuse et tranquille, sur d’excellents chemins où je désapprends les épreuves d’hier. Je pressentais que cette dernière journée serait celle de toutes les offrandes ! Lumières incroyables, scansion de la marche qui fait comme une douce transe, bonheur simple d’être là ! Est-cela que l’on nomme prière ?

Ce dont je suis certain, c’est que le Maître dont je suis (de loin) le chemin, m’apprend peu à peu à m’enchanter du moment.

Aura-t-il vu, lui,de la plaine du Bugey, la forteresse des Allymes que, tel un oiseux chevalier, j’aborde par sa poupe ? C’est possible. Je me plais à le croire. J’erre le long des hautes murailles : j’ai si longtemps rêvé de ce moment. Je m’en délecte au-dessus de l’océan des nuages.

Il faut partir, courir dans la Combe à Sadet, dégringoler pendant deux heures en direction de la Ville.

Saluer les arbres-compagnons.

S'abreuver aux sources claires.

Danser, encore danser sur la pierraille.

Et puis les trottoirs, les feux rouges, les convenances. J'avais oublié.

Il est midi, juste le temps d’une bière au bistrot de la gare.

La meilleure.

Pendant trois jours, j’ai rêvé sur ce chemin de Montaigne.

Cela m’oblige, dans quelques mois, à le poursuivre.



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