La garce
Elle m’a roulé. Elle m’a eu par surprise. Ce matin, j’avais bien une intuition. Je vous promets que j’ai pourtant écarquillé le pied de ce talus, là où je sais qu’elle a ses habitudes de mars, et je suis sûr qu’elle n’était pas là. J’ai encore regardé à midi, pensant que le pâle soleil du matin aurait pu l’éveiller. Rien, nada, pas le moindre lapis-lazuli au bord du ruisseau, pas la moindre étoile d’azur dans l’herbe fatiguée de l’hiver ! Rendez-vous loupé.
Et puis à trois heures, alors que je déshabillais les figuiers de leurs protections hivernales, et que je ramassais les branches de la dernière tempête, je jetai un coup d’œil en bas du vallon par acquis de conscience. La garce ! Elle paradait, là, espiègle et souriante, déroulant ses étoiles bleues avec une douce arrogance, comme une maîtresse nue dans un lit d’innocence.
J’en ai voulu à l’univers, un printemps de plus, que la naissance de la belle m’ait encore échappé.
L’an prochain, j’installerai un petit mirador et je guetterai tout le jour. Je couperai le téléphone, donnerai des instructions pour qu’on ne me dérange sous aucun prétexte, et même en buvant mon café, je ne quitterai pas des yeux l’herbe parturiente : je veux une fois dans ma vie assister à l’accouchement joyeux et minuscule de ma jacinthe sauvage.
Avant son départ le 28 avril pour " La Diagonale Occitane", le Chemineau des herbes vous invite à un rendez vous quotidien avec une plante