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Rencontres


J’ai quitté Anduze, au nom de cité antique, dernière bourgade dans la torpeur un peu poussiéreuse de la plaine alésienne, et retrouvé doucement, imperceptiblement, les contreforts de la montagne cévenole. Cette fois l’effort est moins brutal que lors de mon voyage à Villefort. Le parcours joue entre les petites routes et les larges sentiers sablonneux sous les châtaigniers. Ces trois jours passés à Uzès m’ont redonné entrain et énergie, et je retrouve ce balancement de la marche et du souffle, cette cadence efficace, un peu comme une mélopée récurrente et énervante qui permet d’avancer rapidement. Je me parle aussi à voix haute, m’encourage, me gronde, discute avec les pierres et les arbres ; Un peu après Massane, au détour d’une large pâture, une horde de sangliers est fort affairée à remuer la terre en plein milieu du sentier : il y a là trois adultes, une bambée de marcassins insouciants et joueurs. Ils ne m’ont pas vu, ils sont ici chez eux dans cette prairie tranquille et je ne tiens pas à déranger tant d’harmonie familiale. Je les observe un bon moment, puis pousse quelques cris de loin.

Mais quelle langue faut il parler aux sangliers ?

Ils se retournent, sans se presser et disparaissent dans le fourré.

C’est la première fois que je vois ce spectacle en plein jour, et visiblement, ils sont tout sauf effrayés. De nuit, lorsqu’en voiture, des sangliers apparaissent dans nos phares, ils ont l’air tout hébétés sur le bas-côté, un peu perdus et un peu idiots. Je sais bien tous les ravages que font ces animaux dans les campagnes, mais les voir ici si placides et pacifiques me comble d’aise.

C’est à Colognac que je rencontre Gilles, randonneur et photographe suisse qui, comme moi, parcourt en solitaire les montagnes du Gard. Après avoir bu un coup ensemble à l’auberge du village, établissement où la bière est bonne mais où l’accueil du randonneur ne semble pas être un élément stratégique de développement commercial , nous décidons de quitter la civilisation et de continuer à grimper ensemble vers la draille.

Le chemin est malheureusement défoncé par les « épisodes cévenols » qui s’abattent régulièrement sur le pays et transforment en torrents de boues et de branches mêlées les chemins autrefois muletiers. La charriotte escalade les blocs de granit, grince, saute, se bloque, s’ébroue, se cabre et il faut ahaner de toutes mes forces sur les timons pour la dégager. Une heure trente de galère, de gros efforts pour arriver sur une espèce de plateau paisible où nous allons bivouaquer, entre les genêts et les genèvriers. Enfin. La plaine immense jusqu’à Alès, Le Ventoux au loin, les Alpes dans la brume. Les Alpes, si lointaines, déjà..

Avec Gilles au bivouac

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