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Sylvomane

J’ai franchi la porte. Elle était ouverte au village de Toulon-sur- Arroux, et la baie de Toulon flottait ce matin dans la brume. Enfin regagner les chemins, les deux belles traces parallèles qui entourent l’axe herbu, et s’infiltrer discrètement dans le Morvan par une piste parfaite, un sol d’arène aux cinquante nuances de grès, moelleux sous le pas, à la pente agréable : l’entrée dans la forêt est une fête des sens !

Quelle jubilation de retrouver des bois clairs et des blocs de granit qui poussent comme effrontés en écartant les racines, pareils au Centre Bretagne. Genêts, digitales, pierres à bassins peut être ici aussi autels de rites celtiques. Oui, on est à Toul Goullic ! Tout pareil!

L’impression aussi de reprendre un fructueux dialogue amoureux avec les arbres, interrompu après ma traversée des forêts du Jura il y a une semaine, de me réaccorder intimement avec cette débauche organisée de branches lourdes de la pluie de la nuit, de feuilles de hêtres et de châtaigniers encore claires, de cataractes de robiniers en fleurs et de bouquets de samares déjà dans l’urgence du prochain automne. J’avais faim de ramures et de sphaignes humides, de bois mort et d’odeurs d’humus, de la lumière reconnaissable entre toutes qui annonce la crête, et surtout de cette force primitive et superbe qui jaillit de tous côtés. Sylvomane, le terme me va. En longeant de trop près les lisières, je me fais caresser par les brizes et les avoines sauvages qui m’adoubent de rosée, et ondoyer par les bonnets des genêts et les cornettes des digitales alourdis des sombres averses. Voluptueux ! L’orage tape vers le nord, des grains s’annoncent sur les escarpements proches et rien ne m’inquiète. Je grimpe lentement le Mont Julien au nom d’impérator, ivre de belle solitude. Je suis le marcheur sybarite, l’hédoniste amant des limbes, et je traverserai la pluie tel un bel indifférent.

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