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LES TROIS LAURIERS

Il est un pieux endroit, quand les plantes montent au ciel, Où les accueille Saint Fiacre, patron des jardiniers. C’est dans ce vestibule, plein d’encens et de miel, Qu’après une tempête, cette histoire s’est passée.

Trois arbustes attendaient, toutes racines à l’air, Arrachés sauvagement Par la fureur injuste d’un grand coup de tonnerre. Ils restaient tout sages, bien en rang, Chacun son tour ! Saint Fiacre appela le premier : - « Mon brave, quel est donc votre nom ? » - « Quand j’étais au jardin, on m’appelait laurier » - « Pas d’autre dénomination ? » - « On me disait noble, et que ma sève était bleue » - « Chez les hommes, à quoi serviez-vous ? » - « Ma foi, pour la cuisine, j’aidais les maitres queux Dans la recette des blanquettes, Celle des brandades, des gigots, des andouillettes. Epice, je faisais de mon mieux. » - « C’est bon, prenez le couloir, vers le Paradis Et retrouvez compagnes, et le bouquet garni », Répond le vénérable Saint A l’arbre d’Appolon, et somme le suivant.

Venez, Monsieur le Gominé, Dans les jardins, on ne voit que vous à la ronde. Mais, comment doit-on vous nommer ? - « On m’appelle Laurier, je viens de Trébizonde » - « Quoi ? Laurier, rien de plus précis ? » - « On m’avait baptisé « Cerise », dans l’autre monde. » - « Cerise ? mais quelle ignominie ! Avec la griotte, on aurait pu vous confondre. Les hommes sont ignorants, il leur faut peu de chose Pour avaler n’importe quoi. D’empoisonnement, ne seriez-vous pas la cause ? Oui, il me revient qu’autrefois Tout en bas, on craignait fort vos rameaux lustrés, Et de vos baies la fourberie. Bon, sur la terre, quelle était votre utilité ? » - « Je composais les haies, promis ! J’étais simple clôture, servais la bienséance Cachais les maisons, les villas Les garages, les tonnelles, autres lieux de licence, Les cabanons, les pergolas. » - « Je vous ai bien compris, déclare le Bienheureux, Mais du bon goût vous me semblez Méconnaître les règles, je serai rigoureux. Allez, au Purgatoire, monsieur !

Des trois misérables, seul restait le dernier. « Quel est votre patronyme ? » Demande le grand Saint Fiacre à l’arbre intimidé. - « Laurier ! » - « Encore un homonyme ? Ah non ! Il suffit, maintenant vous vous moquez ! » Mais finalement le suspect Se reprend, et puis s’écrie : « je vous ai menti ! Je vis au fond des bois, mon vrai nom est Daphné ! - « Quoi ? Daphné du Laurier, vous me prenez pour qui ? Moi, je connais très bien la littérature, Alors disparaissez au fond du précipice ! Allez au diable, finissons là cette aventure, Et pour le nom des plantes, parlons en botanistes !



Le laurier noble Laurus nobilis L. Le laurier cerise Prunus laurocerasus L Le laurier des bois Daphne laureola L Aux Echelles (73) le 5 février 2021 © textes et photos Yves YGER, février 2021

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